Le milieu de terrain international gallois Jordan James a fait le grand saut cet été en quittant l’Angleterre, où il a toujours vécu, pour rejoindre le Stade Rennais. Le milieu à la double culture anglo-galloise s’est confié sur son parcours auprès de Ouest-France.
Lorsque l’on a comme père un ancien footballeur professionnel (Tony James, qui a joué jusqu’en D4 anglaise), est-ce une évidence de suivre le même chemin ?
Il était mon idole ! J’avais l’habitude de le regarder tous les week-ends et je voulais être comme lui. Il ne jouait pas au même poste que moi, il était défenseur central. Mais c’est quelqu’un que j’admirerai toujours, peu importe où je me situerai dans ma carrière.
Vous a-t-il poussé à percer dans le football ?
Non. Il ne m’a jamais poussé à atteindre un niveau qu’il n’avait pas atteint lui-même. Beaucoup de parents font ça, ils veulent voir leurs enfants réussir et reproduire ce qu’ils voient à la télé. Mais mon père n’a jamais été comme ça, il m’a laissé faire ce que je voulais. Je voulais faire du football 24h/24, 7j/7.
J’ai toujours voulu être comme Frank Lampard
Comment vous êtes-vous retrouvé à Birmingham City dès l’âge de huit ans ?
J’ai démarré le football à trois ou quatre ans à Pegasus, un club local d’Hereford où je suis né. À huit ans, nous sommes allés jouer un tournoi à Birmingham avec de petites équipes locales, mais aussi Aston Villa et Birmingham City. Ils ont parlé à mon père pour savoir s’ils pouvaient me mettre à l’essai pour six semaines. La saison de Birmingham démarrait plus tôt, donc j’y suis allé et ils ont voulu me signer au bout d’une semaine. Pour moi, c’était inimaginable, j’ai accepté tout de suite. L’école finissait à trois heures de l’après-midi et j’habitais à une heure de route. Je faisais le trajet directement depuis l’école, je m’entraînais, je refaisais une heure de route dans l’autre sens et il était déjà neuf ou dix heures du soir… J’ai toujours demandé à mes parents : “Pourquoi avez-vous fait ça pour moi ?” Et ils m’ont toujours répondu : “Tu suis ton rêve, c’est ce que tu as toujours voulu faire.” Je leur dois beaucoup parce qu’ils sont la raison pour laquelle je suis là aujourd’hui.
Avez-vous toujours rêvé de jouer milieu de terrain ?
Oui, j’ai toujours voulu être comme eux. Frank Lampard est celui que j’ai admiré le plus, il arrivait à être souvent dans la surface de réparation et à marquer beaucoup de buts. C’était un numéro 8 et il arrivait à attaquer et défendre. C’est quelque chose que je pensais être capable de faire.
Vous êtes né en Angleterre mais proche du Pays de Galles, et vous avez joué dans les deux sélections en étant jeune. Estimez-vous avoir une double identité ?
Je me suis toujours senti Gallois. Mon père est très fier de son pays, il est Gallois et ma mère est Anglaise. Il a toujours essayé de m’inculquer la culture galloise. Quand je joue pour le Pays de Galles, j’ai ce sentiment à l’intérieur que je ne peux pas vraiment décrire, ça signifie tout pour moi quand je représente mon pays. C’est un sentiment incroyable.
À la Coupe du monde 2022, comme si j’étais à l’intérieur d’une télé
Pourquoi avoir rejoint l’Angleterre U20 après le Pays de Galles jusqu’en U18 ?
L’opportunité s’est juste présentée. C’était une décision difficile à prendre, j’en ai parlé à mon père et il m’a dit : “C’est à toi de décider. Tu peux essayer et voir comment tu te sens.” Quand j’y suis allé, ce n’était juste pas pareil. Je n’avais pas l’impression de jouer pour mon pays et d’être à ma place, je ne sentais pas la même fierté qu’avec le Pays de Galles. J’ai joué deux matches avec eux, je suis revenu avec le Pays de Galles et je n’ai plus jamais regardé en arrière.
Vous avez vécu la Coupe du monde 2022 de l’intérieur mais en tant que réserviste. Était-ce une déception de ne pas faire partie de la liste définitive ?
Je ne pense pas que l’on puisse parler d’une déception quand on va à une Coupe du monde (rire). J’avais 18 ans, c’était incroyable, c’est comme si j’étais à l’intérieur d’une télé. J’avais parlé avec le sélectionneur Rob Page qui voulait que je vienne pour vivre cette expérience et être avec l’équipe. Ça m’a vraiment aidé à m’intégrer de pouvoir parler avec des joueurs de très haut niveau, d’apprendre à leurs côtés et de voir ce qu’est un grand tournoi, parce que c’est très différent du football de club.
Vous aviez douze ans lors de l’Euro 2016 en France où le Pays de Galles a été demi-finaliste. Est-ce votre plus grand moment en tant que supporter ?
Oui, j’avais beaucoup d’amis dans le coin, c’était le meilleur moment de notre histoire, on criait partout. C’est ce qui est super avec le Pays de Galles et c’est pourquoi j’aime ce pays, les petits moments signifient beaucoup pour nous. Nous ne sommes pas un grand pays mais quand on accomplit des choses dans un grand tournoi, c’est énorme.
"Le Bro Gozh ma zadou ? Ça m’a paru familier !"
Était-ce une décision difficile de quitter la Grande-Bretagne, ce qu’assez peu de footballeurs britanniques font ?
Oui. Quand j’ai pris la décision de venir ici, c’était un moment très important. C’est quelque chose qui fait peur, vous allez à un endroit où vous n’avez jamais été, vous ne parlez pas la langue, tout est différent. Mais je voulais tenter le coup pour découvrir quelque chose de nouveau. J’ai vécu toute ma vie à Birmingham, donc quitter le pays a été un gros changement pour moi. Je pense que les joueurs n’ont pas vraiment envie d’essayer parce que ça peut être dangereux : si vous ne jouez pas, si vous n’êtes pas heureux, c’est difficile de parler aux gens. Mais c’est un pas que je voulais franchir dans ma carrière, et les gens ont un regard différent sur vous si vous avez joué ailleurs qu’en Grande-Bretagne.
Avez-vous déjà prêté attention au Bro Gozh ma zadou, l’hymne breton adapté de l’hymne gallois et joué avant chaque match au Roazhon Park ?
Pour mon premier match à domicile, ça m’a paru familier. Quand j’ai réalisé que c’était le même air que l’hymne gallois, c’était assez spécial. Forcément, ça fait remonter des souvenirs à chaque fois que je l’entends.