Après la piteuse élimination du Stade Rennais à Troyes, en 16es de finale de Coupe de France (1-0), le président a souhaité prendre la parole, en exclusivité pour Ouest-France.
Arnaud Pouille a livré sa façon de penser, conscient de la situation préoccupante dans laquelle se trouve le club. Il a aussi eu des mots forts devant les joueurs ce jeudi 16 janvier, et annonce des sanctions à venir à l’encontre de certains d’entre eux.
Arnaud Pouille a préféré laisser passer 24 heures avant de s’exprimer face à la presse. Le président du Stade Rennais n’a pas du tout goûté la piteuse élimination en Coupe de France, mercredi 15 janvier à Troyes (1-0). Au retour à la Piverdière ce jeudi, et après avoir échangé avec le directeur sportif Frederic Massara et l’entraîneur Jorge Sampaoli, il a pris la parole devant les joueurs. L’occasion de leur dire sa façon de penser et de tirer la sonnette d’alarme.
Puis, en fin d’après-midi, il s’est posé en exclusivité pour Ouest-France. Dans son survêtement du club, les mains croisées, le regard noir. Et avec de nombreux messages à faire passer, alors que selon nos informations, 4 joueurs de l’effectif (Gallon, Santamaria, Gronbaek et Kamara) ont été priés de s’entraîner pour l’instant à l’écart du groupe…
Arnaud Pouille, qu’avez-vous dit aux joueurs après la défaite à Troyes ?
Hier soir (mercredi), contrairement à Auxerre où il y avait eu une première vague de honte et où l’émotion était restée dans le vestiaire, j’ai fait un point sur la situation avec Jorge (Sampaoli) et Frederic (Massara). On est dans une situation largement inacceptable, et il faut que l’on prenne le taureau par les cornes rapidement. On ne peut pas se satisfaire de ce que l’on voit.
Au-delà du résultat, il y a des choses qui se voient à l’œil nu. Il suffit de regarder les retours (défensifs) des joueurs parfois. Ou quand le ballon est au milieu de trois joueurs, il ne faut surtout pas le prendre et le laisser aux copains… Ce sont quand même des révélateurs d’une certaine distance par rapport à ce que doit être le Stade Rennais. Bien entendu, les résultats pèsent, mais c’est surtout le fait de voir un manque d’état d’esprit collectif, qui est la base du foot. Si vous ne courez pas, avec ou sans ballon, vous ne pouvez rien espérer.
Chaque saison est une aventure, mais celle-ci est vraiment merdique à l’heure actuelle
Ensuite, je sais que les médias et une partie des supporters le regrettent, mais mon mode opératoire, c’est de dire aux gens ce que je pense d’eux avant d’aller le dire publiquement. J’ai dit aux joueurs cet après-midi ce que j’avais à dire.
Je leur ai parlé après l’entraînement pour partager ce sentiment de honte, leur dire que c’était inacceptable. Que chaque saison était une aventure, mais que celle-ci était vraiment merdique à l’heure actuelle, et qu’ils devaient en avoir conscience. Mais ils ont de la chance dans leur métier, c’est qu’il y a toujours une occasion de se refaire. Là, c’est Brest samedi, et je leur ai dit ce que j’attendais comme état d’esprit.
Comment ce groupe a-t-il pu en arriver là ?
Déjà, personne ne fuit ses responsabilités. Il y a certainement une somme d’erreurs accumulées, le principal étant pour moi qu’il faut vite que tout le monde comprenne la situation : nous sommes dans un club qui va bientôt avoir 124 ans, il y a un maillot à porter, et il ne faut pas lui cracher dessus. Je pense que les joueurs ont compris cela, et nous aussi. Je leur ai dit que c’était l’heure de la discipline et de l’effort.
On va concentrer l’effort sur ceux qui ont envie de porter le projet, pas sur ceux qui n’en ont rien à faire de l’histoire du club. Il faut des gens investis, et malheureusement, on a constaté que certains le sont moins que d’autres. On ne peut plus se disperser sur des gens qui s’en fichent d’être là ou ailleurs. Ensuite, je leur ai rappelé que dans tous les contrats, qui sont plutôt bien faits ici, il y a une prime d’éthique associée à leurs salaires, et l’éthique est rattachée au respect du club et du maillot. Cela fait douze matches que je vois. Je ne dis pas que tout est à jeter, je trouve qu’une structure était revenue, mais il faut aller au-delà et faire beaucoup plus. Ce sont les joueurs qui peuvent retourner cela. Je peux aller crier toutes les semaines dans le vestiaire, Frederic peut leur passer la pommade, Jorge peut sauter les deux pieds sur la table à la mi-temps… Mais à un moment donné, c’est sur le terrain que cela doit transpirer.
Si les joueurs n’ont pas compris qu’il y a un état d’urgence…
Quand vous parlez de joueurs moins concernés, cela veut-il dire que certains seront sortis du groupe contre Brest, par exemple ?
Oui. Mais ils pourraient potentiellement être réintégrés (1)... Si les joueurs n’ont pas compris qu’il y a un état d’urgence, il faut qu’ils le comprennent vite. Cela veut dire être à l’heure, respecter les obligations du club. Il y a des droits, mais aussi pas mal de devoirs. Il faut vite rebrancher les fils et arrêter de croire que c’est le Club Med ! Sinon, le club dans son ensemble va vite être rattrapé par la réalité qui est celle de la compétition. Personne ne va nous faire de cadeau. La photo, c’est que l’on est éliminé piteusement en Coupe de France, et que l’on a 17 points à la moitié du championnat, ce qui est un rythme de relégable. À eux de faire démentir les tendances.
Quels messages vous ont fait passer les actionnaires ?
Un message de confiance et d’invitation à trouver des solutions… Ils sont investis sur trois générations, tout le monde peut imaginer leur sentiment. Ce sont aussi des bâtisseurs, qui savent que des cycles négatifs peuvent exister. On ne peut pas leur reprocher de tarder dans leurs prises de décisions. Beaucoup ont été prises ces derniers mois, mais il ne faut pas rajouter de l’instabilité à l’instabilité. Jorge est le coach, il fait partie du schéma de décision, et on ne prendra pas un joueur au mercato si cela ne rentre pas dans ses critères. Frederic fait aussi partie du schéma de décision, il connaît maintenant mieux que le club qu’à son arrivée, comprend mieux ce que le territoire attend du Stade Rennais. Les décisions sont prises à trois. Quand un club est dans un moment faible, on essaye de l’enfoncer : cela fait partie des circonstances à appréhender dans un système, cela existe partout, mais cela ne doit pas nous empêcher d’avancer.
Ces trois mois de présidence ont été difficiles…
On m’a toujours appelé à des moments difficiles, dans le rugby au Stade Français, à Lens qui était 19e de Ligue 2… Ce n’est pas une situation inconnue, et dans les clubs, il y a toujours un moment d’urgence. Là, on y est. Dans la compétition, il faut aussi avoir un peu peur. Le Stade Rennais est en L1 depuis 30 ans, avec un actionnaire solide qui investit, vous vous dites que cela va le faire, mais à un moment… Il faut que la prise de conscience soit générale dans le club, être très lucide. Il faut se serrer les coudes, faire les efforts, et avancer, ce que l’on n’a pas fait lors des derniers matches.
(1) Quatre joueurs vont s’entraîner à l’écart du groupe pour l’instant : Gronbaek, Kamara, Santamaria, Gallon, selon nos informations.