Initialement créé fin 2008, le Bâton de Bourbotte trouve son origine en 1946 entre les différents protagonistes du championnat de France de première division. Propriété depuis le 29 octobre du FC Metz, il s’est, cette saison, matérialisé. Un petit bout de bois qui fait pour le moment la fierté des Lorrains.
Au centre d’entraînement de Frescaty, à quelques kilomètres du centre de Metz, Gauthier Hein sort de l'entraînement et s’empare du Bâton de Bourbotte, un témoin en bois d’une trentaine de centimètres gravé de son nom sur la longueur. "Il se plaît bien dans le vestiaire messin", sourit le numéro 10 du FC Metz. "Il y a trois matchs on ne le connaissait pas mais on s’en est emparé après Lens et depuis on a gagné nos deux matchs qui ont suivi. Il nous porte chance, on espère le garder le plus longtemps possible." Car depuis un mois, ce Bâton de Bourbotte fait partie du quotidien des Lorrains. Au stade, à l’entraînement, il est checké par les supporters, présenté aux partenaires et s’invite aux petites fêtes entres collègues. "Il est avec nous chaque jour et partage même les anniversaires", se marre Hein. "Le week-end dernier, on a fêté l’anniversaire de Maxime Colin chez lui avec ma compagne, elle a pris sa petite photo avec. Il appartient au FC Metz et à la ville de Metz."
Bourbotte du nom du capitaine du LOSC, premier champion de D1 d’après-guerre
Supporter des Grenats depuis ses 7 ans, Julien a connu les épopées en Coupe d’Europe. Ravi de voir son club enfin lancé cette saison, il voit en ce bâton un "porte-bonheur. On l’a un peu découvert le mois dernier mais il matérialise notre belle série de trois victoires, on le voit partout. C’est notre bâton, on veut qu’il reste à nous." Il faudra pour cela ne pas perdre au stade Francis Le Blé ce week-end face à Brest au risque de devoir le laisser filer en Bretagne où il a séjourné pour la dernière fois le 19 mai 2024 et la première… le 21 septembre 1982. Car oui, il faut revenir des dizaines d’années en arrière pour connaître le premier Bâton de Bourbotte.
"Le concept a été créé par un blog de football fin 2008 qui s’appelait Poteau rentrant. Les administrateurs avaient pris comme premier vainqueur du bâton le premier champion d’après-guerre qui était Lille", remémore Guillaume Amary, statisticien et Community manager du Bâton. "Le premier match pour s’emparer du bâton était un derby entre Lille et Roubaix. Et le capitaine du Lille champion en 1945-46 s’appelait… Bourbotte." Alors Guillaume, Sarthois d’origine, a décidé de retrouver sa trace. "Le site a disparu en 2013, le bâton avec. Trois ans plus tard, on s’est en est souvenu avec un ami. En regardant un multiplex on s’est demandé ce qu’il était devenu. Alors on a refait le parcours de tous les clubs." Il a fallu pour cela refouiller les archives, retrouver le résultat de 2.912 matchs de première division. "Le LOSC a perdu son premier bâton au cours de la premi,ère saison comptabilisée puis s’en est suivi 952 changements de détenteurs et 53 équipes différentes" chiffre Guillaume, gardien de toutes les statistiques et développeur de sites internet au quotidien.
"Le PSG est l’équipe qui l’a le plus obtenu grâce à une percée dans cette dernière dizaine d’années. 247 matchs avec le bâton suivi par Nantes avec 201. Pour ce qui est de la plus longue série, c’est Paris avec 26 matchs consécutifs avec le bâton en 2013 et 2024. Le plus grand détenteur du bâton, c’est Blaise Matuidi à 93 reprises. Je peux aussi vous dire que le bâton fuit le Paris FC, incapable de s’en emparer alors qu’il en a eu l’occasion neuf fois dont la dernière cette saison contre Lens mais ils ont été battus."
Un bâton matérialisé cette saison, qui a d’abord suscité peu d’intérêt
Longtemps fictif, le Bâton de Bourbotte a cette saison trouvé un aspect physique. L’idée sort de la tête de Corentin Avrillon, chargé de relations clients dans une agence de communication à Strasbourg. "En 2021, une chaîne Youtube sort une vidéo concernant ce bâton, raconte son histoire, j’ai trouvé ça cool de le matérialiser qu’on puisse s’en amuser." L’idée a fait son petit chemin dans l’esprit de cet Alsacien de 24 ans, puis il s’est lancé. "J’ai travaillé avec un artisan avec qui on a coupé le bâton, on a fait des biseaux pour en faire quelque chose de propre mais pas hyper chiadé avec du vernis ou autre, simplement une belle gravure." Fan du Racing Club de Strasbourg, Corentin est ravi de voir son club de cœur récupérer le bâton la saison dernière et cherche à le présenter au centre d’entraînement des Racingmen "pour que la dynamique se fasse." Mais il trouve porte close.
En revanche, sur les réseaux, le phénomène prend à coups de likes et de retweets, le bout de bois commence à se faire connaître des supporters. "Rennes récupère le bâton en tout début de saison", explique Corentin. "On a contacté, avec Guillaume qui gère le site, un supporter en se disant que ça allait être un relais entre supporters. Puis Rennes perd contre Lorient alors un supporter de Lorient récupère le bâton et c’est là que l’histoire commence. Le FC Lorient a pris connaissance qu’il était détenteur du bâton, demande à faire des photos avec le relais, il est présent au Stade du Moustoir, sur des photos dans des loges." Puis Lille, premier détenteur, le récupère. "C’est le gars de la com' de Lorient qui l’a filé à celui du Losc après le match puis c’était parti, Lens le reprend en fait une belle communication dans les vestiaires, on en parle sur Ligue 1+ puis maintenant Metz qui gère à mort dans leur communication à s’amuser avec."
Corentin et Guillaume sont ravis alors que chez les diffuseurs du championnat, on s’en amuse aussi. "Ce bâton fait appel à la part d’enfant en nous", se réjouit Félix Rouah, animateur du Multiplex sur L1+. "Dans le Multi, on a souvent les équipes de deuxième partie de tableau et chez L1+ on laisse la part aux idées surtout pour les équipes moins en vue médiatiquement. On veut des histoires parallèles et celle du bâton s’inscrit dans ça. L’objectif est que ce bâton n’aille pas dans les mains du PSG, je trouve qu’il est très Multiplex-compatible." Le créateur du relais en bois abonde dans ce sens. "Ce week-end c’est Brest-Metz pour récupérer le bâton, ce n’est pas l’affiche la plus sexy du championnat mais par contre savoir que c’est une bataille pour le bâton, ça peut donner en vie de regarder. Et même en fin de championnat, quand les places seront dessinées, cela apportera un petit enjeu pour les équipes du ventre mou. Après, est-ce que le PSG, s’il le récupère, jouera-le jeu?" Corentin s’en inquiète: "Tu es champion d’Europe alors bon le bâton… Mais s’ils gardent leur invincibilité jusqu’à la fin du championnat mais continuent d’en parler ça me va. Ma plus grande crainte, c’est celle de l’oubli, après quelques mois. J’aimerais qu’il vive au moins toute la saison."
Mon rêve serait de voir les capitaines se l’échanger à la fin d’un match
Et que le relais se fasse entre les acteurs du jeu et non plus en coulisses. L’idéal, le voir être échangé entre entraîneurs, capitaines ou joueurs. "C’est un rêve de le voir sur le terrain avec les joueurs, passer devant les supporters. Le rêve d’une personne, que je suis, qui a envie d'un foot plaisir, d'un foot loisir, d'un foot qui représente des belles valeurs, de fair-play, d'amusement, qu’on ne retrouve plus forcément. Le voir passer de main en main entre coachs ou capitaines serait une image forte qui véhiculerait de beaux messages, notamment pour la jeune génération."
Guillaume Amary imagine encore plus loin. "Et pourquoi pas en faire un petit trophée en fin de saison, lors des cérémonies, pour l’équipe qui le détiendra ou celle qui l’a le plus eu au cours de la saison. Ce pourrait être un petit clin d’œil, un trophée insolite comme il a pu y en avoir à la Ligue." Une Ligue qui justement pourrait se pencher sur ce bâton car le Logo de la Ligue 1 est gravé sur le relais de bois sans autorisation de celle-ci. "Je n’y ai pas pensé en le faisant gravé", avoue Corentin. "Mais si la Ligue veut le rendre officiel, pourquoi pas en discuter, voir ce qu’on peut en faire. Je veux juste que ce bâton brille, le voir circuler et que les clubs continuent de jouer le jeu." Le Stade Brestois sait de son côté qu’il peut s’en emparer ce week-end et aurait l’idée de le customiser d’un sticker, comme le font les Ultras, avant de le céder le plus tard possible.



