Après une première saison réussie au Qatar avec Al Duhail, Benjamin Bourigeaud s’épanouit dans un championnat en plein essor. Pour Foot Mercato, l’ancien cadre du Stade Rennais évoque son adaptation, l’évolution du football qatari, l’arrivée de Marco Verratti, les transferts étonnants de Quentin Merlin et Valentin Rongier à Rennes, et livre son regard sur la Ligue 1 et sa crise intense.
Parti à la surprise générale l’été dernier, Benjamin Bourigeaud a bouclé sa première saison sous les couleurs d’Al Duhail, au Qatar. Ancien capitaine du Stade Rennais et visage bien connu de la Ligue 1, le milieu de terrain français s’est lancé dans une nouvelle aventure loin des projecteurs européens. Entre découverte d’un nouveau championnat, ambitions de titres et adaptation à un environnement totalement différent, Bourigeaud n’a pas perdu de vue son exigence ni son amour du jeu. Pour Foot Mercato, il revient sur cette première année à Doha, évoque ses nouveaux coéquipiers — dont Marco Verratti, arrivé il y a quelques semaines, mais aussi son regard sur l’évolution du football français et la situation de son ancien club, le Stade Rennais.
Si l’Arabie Saoudite a récemment attiré tous les projecteurs avec ses mercatos XXL, le Qatar, lui, poursuit discrètement mais sûrement sa montée en puissance. La Qatar Stars League, bien que moins médiatisée, se structure depuis plusieurs années avec ambition, attirant des joueurs expérimentés, des entraîneurs reconnus et en misant sur des infrastructures modernes. Pays hôte de la Coupe du Monde 2022 et candidat pour accueillir la prochaine Coupe du monde des clubs et les prochains Jeux Olympiques à attitrer, le Qatar s’est imposé comme un pionnier du développement du football au Moyen-Orient. Al Duhail, club phare du championnat, en est l’un des symboles, avec un projet sportif cohérent et des ambitions continentales. C’est dans ce contexte que Benjamin Bourigeaud s’est installé, au cœur d’un football en pleine transformation, à la fois exigeant sur le plan sportif et en constante évolution.
Je suis très bien ici, ma famille s’y sent bien aussi
Foot Mercato : Cela fait un an que vous évoluez au Qatar, comment s’est déroulée votre intégration et votre première saison dans ce championnat??
Benjamin Bourigeaud : c’était une première pour moi parce que j’avais jamais quitté la France, donc c’était une première découverte de l’étranger dans un championnat où la culture est totalement différente de ce que l’on peut connaître en Europe. Je me suis adapté assez rapidement. Les quinze premiers jours ont été difficiles parce que je suis arrivé dans une période où il y avait de fortes chaleurs. J’ai joué un premier match dans un stade qui n’était pas climatisé donc c’est là où j’ai vraiment ressenti la difficulté du temps. Mais après une fois que le championnat avait démarré, on a joué dans les stades climatisés, dans les stades de la Coupe du monde donc forcément, c’était beaucoup plus facile pour moi de m’adapter et de m’acclimater. Dans le groupe, ça s’est fait assez naturellement. Le terrain a parlé pour moi. Je ne parlais pas du tout anglais avant ça. Il a fallu m’adapter et je pense que j’ai eu de la chance aussi d’avoir un staff français qui m’a beaucoup aidé à m’intégrer dans ce groupe, ça a été assez rapide. Les gars se sont dits que j’étais un mec qui allait donner le maximum de ce que je pouvais, que je n’étais pas un tricheur, que je n’étais pas venu pour faire de la figuration.
FM : Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter la Ligue?1 et le statut de pilier du Stade Rennais pour rejoindre Al?Duhail??
BB : c’est surtout l’envie de découvrir l’étranger. Malheureusement, je n’ai pas eu de propositions qui pouvaient m’intéresser en termes de projet. J’avais déjà passé la barre des 30 ans. Certains clubs que je visais n’étaient pas forcément ouverts à une arrivée parce qu’il fallait investir de l’argent. Tous les clubs qui pouvaient investir étaient forcément des grands clubs, mais les grands clubs aujourd’hui préfèrent prendre des joueurs plus jeunes pour avoir une plus-value derrière. J’avais passé la tranche d’âge qui pouvait me permettre d’atteindre ce niveau-là, même si j’étais à la recherche de ça à la base. Et puis je n’avais pas envie de finir ma carrière en me disant le seul regret, c’est de ne jamais avoir joué à l’étranger. Et puis j’ai eu Christophe Galtier qui m’a appelé avec le président et j’ai senti une forte envie de m’avoir dans leur effectif et c’est surtout que j’ai vu un club qui avait de l’ambition. L’ambition fait partie de moi, je suis pour les challenges et je pense que la découverte d’un autre championnat, d’une autre culture m’a permis de faire ce choix.
FM : Le championnat qatari reste encore relativement méconnu en Europe, comment jugez-vous son niveau, et que répondez-vous aux critiques qui accompagnent ce type de transfert?
BB : j’ai été agréablement surpris parce que moi-même, je ne connaissais pas le championnat, ça a été une découverte. J’ai été surpris par le niveau des équipes adverses. J’ai eu la chance en plus d’être dans un effectif qui joue au ballon. Le club met en place de vraies choses pour qu’on puisse justement avoir une équipe compétitive. Aujourd’hui, on est à la recherche de titres, parce que ça fait deux ans qu’ils n’ont pas gagné le championnat, qu’ils n’ont pas gagné de gros titres. C’est ce qui explique ce gros mercato. On a un match qui arrive très vite le 12 août pour la qualification en Champions League (contre le club iranien de Sepahan, ndlr). Le club met en œuvre de grandes choses pour qu’on soit l’équipe la plus compétitive du championnat et pour qu’on essaye d’aller chercher des titres. Sur le niveau de la Ligue, forcément, c’est différent. Ce que les gens ne peuvent pas comprendre, c’est que la comparaison n’est pas faisable avec les championnats d’Europe puisqu’il y a une culture qui est totalement différente. Il y a de très bons jeunes aussi. Moi, je peux le voir tous les jours à l’entraînement, il y a de très bons jeunes. C’est un championnat qui ne reste pas facile. Forcément, il y a des équipes qui sortent du lot. Il y a même entre 5 et 6 équipes qui se battent régulièrement pour les premières places. Mais il y a des matchs difficiles aussi contre les équipes un peu moins fortes, mais qui donnent aussi du fil à retordre parce que l’année dernière, on a perdu contre 3 équipes qui étaient mal classées et puis ça ne nous a pas permis, justement, de remporter le titre de champion. C’est un championnat qui est différent. Ce n’est pas possible de comparer. Quand on regarde à la télé, il y a peut-être un peu moins de rythme, mais quand on est sur le terrain, croyez-moi que le rythme, tout va assez vite. Il y a beaucoup de chaleur aussi, ce qui fait que le rythme est beaucoup plus bas.
FM : Quel est votre ressenti sur l’engouement autour du football ici, dans les stades, dans les rues, dans les villes??
BB : je pense que les Qataris sont beaucoup passionnés à l’image de notre président. Notre président, c’est un passionné de football, chaque fois qu’on a la chance de pouvoir parler avec lui, par exemple, il connaît le football de A à Z. Il regarde tous les matchs, que ce soit le football européen, le football asiatique, le football américain. Il connaît très bien le sujet. Il y a quand même une grande connaissance du football, même si dans les stades, on peut voir qu’il n’y a pas forcément beaucoup de supporters. C’est un petit peu le seul bémol que je peux trouver aujourd’hui et qui me manque clairement parce que moi, j’ai fait partie de clubs qui étaient très populaires en France au niveau des supporters donc c’est un gros changement. Il a fallu s’adapter à ça parce que ce n’est pas forcément toujours facile de se motiver quand il n’y a pas de supporters, mais on essaye de retrouver les ressources. Après tout, on est footballeur, on est passionné par ce qu’on fait, on doit prendre du plaisir dans notre travail. Je pars du principe qu’à partir du moment où tu donnes tout sur le terrain, et puis que tu essayes d’aller chercher en toi la passion pour prendre du plaisir sur le terrain malgré qu’il n’y ait pas beaucoup de monde dans les stades.