Dans un entretien accordé à Ouest-France, le défenseur du Stade Rennais Alidu Seidu a raconté son parcours, du Ghana à Rennes en passant par la Côte d’Ivoire, Troyes et Clermont. Il évoque aussi sa personnalité sur le terrain, et la manière dont il vit la concurrence avec Guéla Doué pour le poste de latéral droit au SRFC.
Né en 2000, Alidu Seidu a disputé son premier match pro en septembre 2020 avec Clermont, en Ligue 2. Avant cela, il avait passé quasiment huit années, de 11 à 18 ans, à l’académie Jean-Marc Guillou, du nom de cet ancien joueur français qui a formé plusieurs générations de stars du foot africain : Kolo et Yaya Touré, Gervinho, Zokora, Kalou ou, plus récemment, deux anciens Rennais, Hamari Traoré et Ramy Bensebaïni…
Jean-Marc Guillou voulait qu’on sente bien la balle
Adepte de méthodes d’entraînement bien particulières, Guillou faisait jouer pieds nus ses apprentis footballeurs… "Il voulait qu’on sente bien la balle, pour s’appliquer sur les contrôles, accentuer la vivacité, la technicité… Après, quand tu enfiles les crampons, ça devient plus facile ! On faisait des exercices et si tu ne les réussissais pas, tu restais pieds nus pendant que les autres enfilaient des crampons, donc tu prenais des coups, et ça te boostait encore plus pour les avoir ! Jusqu’à mes 17 ans, j’ai joué pieds nus, donc j’étais obligé de jouer plus vite, d’anticiper encore plus, et de ne pas dribbler pour éviter de me faire marcher dessus ! Ça m’a aidé aussi à avoir une grosse frappe de balle…"
La JMG Academy d’Accra avait fermé ses portes en 2016. Ses pensionnaires avaient dû déménager près de Yamoussoukro, la capitale politique de la Côte d’Ivoire. Avec les quelques mots de français qu’il avait déjà appris, Alidu Seidu était parti vivre loin de sa famille. "J’ai kiffé ma vie à l’académie : on était payé 5 euros par mois, on mangeait bien, les chambres étaient climatisées, les pelouses étaient belles !"
"Quand tu es défenseur, c’est dans la tête"
Jouer défenseur central quand on mesure 1,73 m, c’est devenu compliqué en 2024 ?
C’est vrai, il y a plein de coaches qui veulent des défenseurs centraux qui mesurent 1,85 m ou 1,90 m. Mais à l’académie au Ghana, on m’a toujours dit que la taille ne compte pas. Quand tu es défenseur central, c’est dans la tête. Pour jouer à ce poste, il faut être intelligent. Tant que tu sais ce que tu as à faire, ça passe. Et à Clermont, j’ai kiffé. Je sautais haut, j’allais vite, j’étais bon dans l’anticipation, donc je ne sais pas pourquoi tout le monde veut des joueurs d’1,90 m. Tu peux être petit et bon.
Certains attaquants vous ont posé des problèmes, comme Mounié par exemple qui est très fort de la tête ?
Regardez les matches contre Brest : Mounié, Le Douaron, j’ai tout pris ! Même le coach Stéphan, quand il était à Strasbourg, il n’a pas dû oublier avec Ajorque ou Habib Diallo, qui mesurent un mètre je ne sais pas combien… Depuis tout petit, je n’ai peur de personne, je suis comme ça, c’est mon caractère !
"Mbappé ? Je pense que je suis le joueur qui lui a fait prendre le plus de cartons jaunes !"
Un attaquant vous a posé des problèmes ?
Il n’y en a pas un où je me suis dit : “Lui, il m’a mis la misère !” Mbappé, des fois, il m’a mis des vitesses (sic), mais je pense que je suis le joueur qui lui a fait prendre le plus de cartons jaunes ! Il faisait des trucs, ça ne passait pas, il se jetait et prenait carton jaune. Ou je le dribblais, il me tapait et prenait carton jaune !
Pascal Gastien, l’entraîneur de Clermont, vous a aidé aussi à acquérir cette confiance ?
Franchement, je ne peux pas oublier tout ce qu’il a fait pour moi, parce que quand je suis arrivé à Clermont, je taclais partout, je faisais n’importe quoi, je prenais des cartons à tout-va ! Mais il ne m’a pas lâché, il m’a toujours fait travailler et, petit à petit, j’ai commencé à comprendre comment défendre, comment éviter les cartons rouges, comment ne pas faire des fautes bêtes. Je peux dire qu’aujourd’hui, je suis là grâce à lui.
Votre idole, c’est Sergio Ramos ?
Oui, je l’aimais trop ! Il prenait beaucoup de cartons, il se bagarrait partout, mais c’était lui, parce que j’aimais son côté méchant. Quand il a signé à Paris, j’ai joué contre lui, j’ai pris son maillot. Je ne l’ai pas lavé, il est encadré chez moi !
"La concurrence me fait réfléchir…"
Depuis ses débuts avec Rennes le 3 février contre Montpellier, Alidu Seidu n’a démarré que trois matches sur dix comme titulaire : deux fois comme latéral droit (Clermont, Lorient), une fois comme latéral gauche (Paris). Julien Stéphan lui a préféré Guéla Doué la plupart du temps, y compris lors de la double confrontation contre Milan en Ligue Europa.
Comment l’international ghanéen vit-il les choix du coach, et cette concurrence nouvelle pour lui ? "Je savais très bien que ça ne serait pas facile pour moi de prendre directement la place de titulaire, parce qu’il y a de bons joueurs partout. Guéla, c’est un très bon joueur, qui est jeune et qui progresse beaucoup. La concurrence me fait réfléchir, pour savoir comment je peux prendre la place de titulaire. Aujourd’hui, Guéla fait de très bons matches, et même si on est en concurrence, on est très proches. Je suis content de ce qu’il fait, je le vois tous les jours à l’entraînement, il ne lâche rien."
Seidu balaie d’un revers de main l’idée d’une quelconque frustration. "Si Guéla n’était pas bon et qu’il jouait, là, oui, je serais frustré. “Pourquoi il ne me fait pas jouer, pourquoi il m’a fait venir ?” C’est à moi de prendre ça positivement pour me motiver encore et travailler plus."
Ce défenseur central de formation doit aussi appréhender les rudiments d’un poste qu’il découvre encore. "Comme je l’ai toujours dit, je n’ai pas de poste de prédilection. Défensivement, je suis là. Il faut travailler offensivement, Rennes est un club qui attaque beaucoup. Il faut que je travaille les centres, les un contre un, créer des choses."