Convoqué par le Sénégal pour la Coupe du monde, le gardien Alfred Gomis s'exprime pour la première fois sur sa situation complexe à Rennes, où il n'a plus joué avec l'équipe première depuis le 21 mai (contre Lille, 2-2).
Depuis l'arrivée de Steve Mandanda à Rennes pendant le mercato estival, le gardien de but sénégalais Alfred Gomis (29 ans) s'est vu rétrogradé à la quatrième place dans l'équipe première. Marquée par plusieurs absences (Covid, départ pour la CAN en janvier avec le Sénégal et une fracture au doigt), sa fin de saison dernière a fragilisé sa position en Ligue 1.
Depuis la reprise du Championnat, il n'a joué que deux matches, l'un, amical, avec le Sénégal contre la Bolivie (2-0, le 24 septembre), et un autre en National 2 avec la réserve de Rennes contre le Racing CFF (5-1, le 5 novembre), où il a été expulsé après seulement dix minutes pour être intervenu de la main en dehors de la surface. Avec le Sénégal, il est numéro 2 derrière Édouard Mendy.
Vous vous apprêtez à participer à la Coupe du monde avec le Sénégal. Dans quel état d'esprit êtes-vous alors que vous avez très peu joué en club ?
Ma situation en club n'est pas des plus positives, et cela indépendamment de ma volonté. En sélection, on en a bien sûr parlé, mais cela n'a pas altéré la confiance que l'on m'y accorde. Le coach a choisi les meilleurs joueurs disponibles pour amener le plus haut possible le Sénégal, et c'est une fierté pour moi. C'est dans l'optique de me préparer au mieux que j'avais demandé à mes dirigeants à Rennes de pouvoir jouer avec l'équipe réserve, vu que l'on ne m'a pas donné cette saison la possibilité d'être avec l'équipe de Ligue 1.
Comment expliquez-vous votre rétrogradation de premier à quatrième gardien entre la saison passée et l'actuelle ?
Difficile pour moi de donner une explication. Je peux juste dire qu'en fin de saison dernière j'ai parlé avec notre directeur technique (Florian Maurice) et notre coach (Bruno Genesio), qui m'ont communiqué leur décision de prendre un nouveau gardien titulaire. Ils m'ont dit : "Si tu restes à Rennes, tu seras le troisième gardien." Puis un gardien est recruté (Steve Mandanda). Et là, on me dit que je ne fais plus partie du projet rennais et que je dois partir.
Fin juin, Florian Maurice nous indiquait : "L'idée est de trouver un autre gardien et la meilleure solution pour Gomis"...
Eh bien, si l'on est arrivé à cette situation, cela veut dire que la meilleure solution pour moi n'a pas été cherchée ni trouvée ! Mon agent est en relation avec lui pour voir comment les choses peuvent évoluer. Mais je constate juste que, sans qu'il y ait eu de fracture, de rupture, je me trouve écarté du projet du club. Je continue à m'entraîner tous les jours avec l'équipe et l'entraîneur des gardiens travaille avec moi très professionnellement. Rien à dire là-dessus.
"Je me retrouve dans une situation qui, d'ordinaire, est celle d'un joueur qui crée des problèmes, divise un vestiaire"
Quelle a été la réaction du club à votre convocation pour le Mondial ?
Les responsables étaient sincèrement contents. Cela peut faire sourire parce que l'on m'a mis dans une situation où je risquais de perdre ma place en équipe nationale. Quelqu'un a sûrement dit : on n'a plus besoin de Gomis. Je ne plaisais plus, je ne faisais plus l'affaire, alors que tout s'est bien passé pendant pratiquement deux ans.
Au cours de la saison dernière, vous a-t-on préparé à cette décision ?
Absolument pas. J'étais et je suis toujours en bons rapports avec l'équipe, notre entraîneur, notre directeur sportif, notre président, Olivier Cloarec. Mais j'ai vraiment de quoi me poser des questions. Je me retrouve dans une situation qui, d'ordinaire, est celle d'un joueur qui crée des problèmes, divise un vestiaire, etc. Mes dirigeants ont toujours dit que je n'étais pas un joueur qui faisait des histoires. J'ai toujours pensé au collectif, alors que, par exemple, j'aurais pu émettre des remarques sur la méthodologie d'entraînement des gardiens. Mais je ne voulais pas créer de problèmes dans le vestiaire. J'ai préféré attendre la fin de saison pour leur dire tout ça. J'aurais peut-être dû me manifester plus tôt.
"Lorsqu'on évalue un joueur, il faut le faire dans la globalité. Victoires et défaites sont le résultat d'un ensemble, d'un collectif"
Pensez-vous avoir payé des prestations insuffisantes ?
J'ai sûrement fait des erreurs comme j'ai aussi fait de bonnes choses. Mais lorsqu'on évalue un joueur, il faut le faire dans la globalité. Victoires et défaites sont le résultat d'un ensemble, d'un collectif. Sur la saison 2021-2022, j'ai, dans la première partie, pu bénéficier d'une grande continuité, avec des résultats positifs pour l'équipe. Avec la nouvelle année, cela a été plus compliqué. Entre le Covid, mon départ pour la CAN, ma fracture à un doigt, j'ai été indisponible à plusieurs reprises.
Mais vous disputez les trois dernières journées, décisives pour l'Europe.
Après coup, certains pourraient dire : il aurait dû attendre. Mais je ne pense pas de cette manière. J'étais prêt à rejouer, je n'avais plus de douleur au doigt. Je ne regrette absolument pas. Même si quelqu'un, apparemment, a jugé, en faisant le bilan de ces trois matches, que je ne méritais plus de faire partie du projet. Sachant que dans ces trois rencontres, il y a eu la victoire (2-0) face à l'OM, où l'on m'a crédité d'un bon match, cela veut dire que l'on m'a écarté en se basant sur la défaite à Nantes (2-1, 36e journée) et le match nul à Lille (2-2, 38e journée). Alors que l'on avait atteint l'objectif européen fixé.
Vous êtes sous contrat jusqu'en 2025. Comment sortir de l'impasse ?
Là, je suis entièrement immergé dans l'aventure du Sénégal. Et je laisse travailler mon agent. Mais je suis un gardien de 29 ans et cette situation est vraiment compliquée. Elle est d'autant plus incompréhensible qu'il me reste trois ans de contrat et que ce n'est bénéfique ni pour moi ni pour le club d'être mis aux oubliettes. À moins de vouloir jeter l'argent par les fenêtres."