Les inscriptions au dos des maillots, et à commencer par les chiffres, font l'objet de recherches du côté des marques, à l'affût de typographies originales et/ou uniques.
Dès 1993, l'équipementier Umbro utilisait les numéros des maillots de Manchester United comme vecteur de communication en y plaçant son logo.
Ils sont parfois rondelets. Linéaires ou en 3D. Quelquefois, rigides, presque austères. Mais, surtout, indispensables. Et obligatoires. On pourrait difficilement imaginer un maillot de football sans son numéro, au dos, nécessaire à la lecture du jeu et à l'identification des joueurs sur le terrain. Certains ont même fait de leur position, une marque. CR7 (Cristiano Ronaldo), KB9 (Karim Benzema), R9 (Ronaldo)...
Alors, les équipementiers n'hésitent plus à choyer la face arrière des maillots. Comme peut l'être l'allure d'un col ou un détail sur les manches, les numéros et les noms au dos des jerseys font l'objet de recherches approfondies. Et très sérieuses. On l'a vu pendant l'Euro 2021, chaque sélection disposait de sa propre typographie. Du choix de la célèbre police d'écriture « Helvetica » - l'une des plus connues au monde à l'instar de sa cousine Arial - pour les Suisses, clin d'oeil au peuple helvétique, à celle plus électrique choisie par Nike pour les Anglais. Les caractères ont leur mot à dire. Surtout ces dernières saisons.
1928, l'apparition des premiers numéros
La première trace d'un numéro sur un maillot de football remonte à 1928, outre-Manche, lors des rencontres entre Arsenal et Sheffield Wednesday d'une part, et Chelsea et Swansea, d'autre part. Puis, le 29 avril 1933 à l'occasion de la finale de la FA Cup entre Everton et Manchester City (succès 3-0 de l'équipe de Liverpool). D'un côté, les Toffees disposant des numéros de 1 à 11, de l'autre les Citizens arborant les flocages 11 à 22. Mais ce n'est qu'au début de la saison 1939-40, que la Ligue anglaise les adopte définitivement. Puis la FIFA les impose lors de la Coupe du monde 1954 disputée en Suisse.
Aujourd'hui, les polices utilisées pour la numérotation des maillots font l'objet de recherches approfondies et sont devenues un véritable argument marketing, comme ici sur les maillots du PSG, ici face au LOSC la saison dernière.
« Les numéros n'ont guère fait l'objet d'une réflexion sur leur design jusqu'à la fin des années 1970, lorsque les fabricants ont commencé à apporter leurs propres touches aux maillots, explique Rick Banks, à la tête du studio anglais de design Face37, qui a dédié deux livres à la typo des maillots (Football Type 1 & 2). Puis l'apparition des noms des joueurs, vus pour la première fois lors de la finale de la Coupe de la League en 1993 remportée 2-1 par Arsenal aux dépens de Sheffield Wednesday, a conduit à une explosion commerciale des jerseys et donc à des expérimentations de typos. »
« Les noms des joueurs, vus pour la première fois lors de la finale de la Coupe de la League 1993 a conduit à une explosion commerciale des jerseys et à des expérimentations de typos »
Rick Banks, à la tête du studio anglais de design Face37
Des numéros carrés et linéaires dans les 70's et 80's - comme la police utilisée par Adidas sur le maillot de la Suisse en 1975 - qui finissent par s'animer, se contorsionner les décennies suivantes. Certains équipementiers les utilisent même comme outil marketing en intégrant leur logo sur les numéros comme Umbro sur les tenues de Manchester United en 1993 ou Adidas sur ceux d'Arsenal à la même époque.
Les clins d'oeil du Real et du Barça
Et c'est surtout dans les années 2000 que les marques s'orientent vers des polices originales. Comme celle visible sur les tuniques du Real Madrid lors de la saison 2005-06 qui s'inspire de l'architecture inclinée des tours KIO de la capitale espagnole. Ou cette police de caractères, utilisée sur les liquettes barcelonaises en 2012, en guise de clin d'oeil aux oeuvres architecturales du catalan Gaudi.
Lors du dernier Euro, l'équipe nationale suisse arborait fièrement la police Helvetica au dos de ses tuniques. Logique !
« De plus en plus de marques veulent une histoire derrière leurs flocages, souligne Rick Banks. Cela leur permet de se démarquer de leurs concurrents. Les footballeurs doivent porter des numéros, alors, pourquoi ne pas les rendre accrocheurs et uniques ? » C'est pourquoi les équipementiers font désormais régulièrement appel à des graphistes spécialisés dans la création typographique. En 2016, le designer Craig Ward a été ainsi mandaté par Nike pour imaginer une police de caractères inédite pour l'Angleterre à l'occasion du Mondial 2018.
Associer le nom de Messi et changer chaque année le flocage constituent un bon argument commercial. D'où l'intérêt d'y apporter un soin tout particulier.
« L'objectif était de créer quelque chose de contemporain, de dynamique et qui incorpore la croix de saint Georges (présente sur le drapeau anglais), se rappelle le Britannique basé à New York. La typographie devait être approuvée par Nike et la Fédération anglaise et devait également cocher toutes les cases du cahier des charges de la FIFA. Ce fut un processus de près de dix-huit mois. » La marque américaine a répété l'opération pour l'Euro 2021, en confiant cette fois les rênes au designer Alex Middleton.
Le flocage des Bulls de Jordan pour les matches de C1 du PSG
Les ligues, aussi, se sont penchées sur la question (finalement pas si anodine). Notamment lorsqu'elles ont voulu moderniser leur image. La Premier League, qui a retravaillé son identité visuelle avec DesignStudio en 2017, en a profité pour relooker le flocage utilisé sur ses maillots, inchangé depuis dix ans. Même démarche du côté de la LFP en 2020 qui, après avoir modifié les logos de la Ligue 1 et de la Ligue 2, a présenté également trois nouvelles polices de flocage créées spécialement par l'agence de design Dragon Rouge alors qu'elle n'y avait pas touché depuis 2008.
La Liga espagnole, de son côté, a imposé depuis la saison 2017-18 une police unique aux clubs. Mais ces derniers peuvent choisir leur propre flocage, notamment lors des compétitions européennes. Comme le Paris-SG qui a dévoilé une police inspirée de celle des maillots de la franchise NBA des Chicago Bulls, époque Michael Jordan, spécialement pour ses prochaines rencontres en Ligue des champions. Bien plus qu'une histoire de détails...
Le raté de Leeds
Lors de la saison 1989-90, l'équipementier Umbro a imaginé une nouvelle police de caractères, affichant une série de lignes horizontales à l'intérieur des chiffres, visible sur les maillots de Leeds United. Après deux rencontres, l'English Football League a demandé qu'elle soit modifiée en raison de problèmes de visibilité. Umbro a donc dû "reboucher" les trous pour le reste de la saison.