Après Marine Capon, épouse de Benjamin Bourigeaud, c’est Adrien Hunou qui a accepté en exclusivité pour Ouest-France et Prolongation de se raconter. De raconter, surtout, son exil aux États-Unis, lui, l’enfant du Stade Rennais, tatoué rouge et noir, le chouchou du Roazhon Park, le buteur parti en MLS, le championnat américain, en avril dernier. Pourquoi, comment. Le choix, la vie là-bas.
En avril dernier, Adrien Hunou, 27 ans, attaquant du Stade Rennais, annonçait son départ pour le club de Minnesota United et le championnat de MLS. En manque de temps de jeu à Rennes, le buteur faisait là un choix de carrière fort, déclenchant des centaines de messages touchants de la part des supporters au moment de dire au revoir.
Adrien Hunou a accepté, en exclusivité pour Ouest-France et Prolongation, de chroniquer sa vie là-bas, aux États-Unis. Le cheminement qui l’a conduit à la MLS, l’éloignement, les changements d’habitudes, de culture, les petites peurs. Ce sera chaque mercredi pendant un mois. Let’s go !
"C’était un vrai choix pour moi de rejoindre la MLS. Vous le savez, j’étais en manque de temps jeu au Stade Rennais les derniers mois. C’était un choix de carrière mais aussi de vie. Quand on est de l’autre côté de l’Atlantique, en Europe, le regard porté sur la MLS peut être assez critique. Quand il y en a un. Je vous parlerai dans un prochain épisode de ce championnat, des infrastructures et de tout ce que j’ai découvert depuis que j’ai rejoint Minnesota United.
Je n’avais pas une vraie "culture US" comme on dit. Au centre de formation du Stade Rennais, et même après, je suivais la NBA mais ça s’arrêtait là. La MLS, j’en avais surtout entendu parler quand des David Beckham, Thierry Henry ou Didier Drogba l’avaient rejoint, ça m’avait interpellé, mais je regardais ça de loin.
En revanche, j’allais voir, chaque été, Romain Alessandrini lorsqu’il jouait au Los Angeles Galaxy (2017-2019). On avait joué ensemble au Stade Rennais, il était comme un grand frère pour moi. Alors je le suivais. Nos saisons étaient terminées en Europe, lui était en plein dedans. Il m’hébergeait, m’invitait à des matches, me faisait visiter la ville, une ville très, très agréable. Je pouvais concilier vacances, amis et amour du foot. L’idéal.
Ainsi, chaque été, j’avais pu mesurer la démesure des États-Unis. Là-bas, tout est plus grand, plus large, plus haut. Les gens sont accueillants, peuvent te dire dans la rue qu’ils adorent tes chaussures, discuter de tout et de rien. J’avais découvert ça. Un été. Puis deux. Puis trois. J’étais content de partir là-bas, conscient aussi de la chance que j’avais de pouvoir vivre ça dans des conditions idéales, privilégiées. Et je m’étais dit : "Un jour, pourquoi pas". Juste ça, rien de plus, parce que j’étais très attaché au Stade Rennais, que j’y progressais d’année en année. Si j’avais pu faire toute ma carrière ici et jouer, je l’aurais fait. J’avais le cœur rouge et noir.
"Je me suis posé plein de questions, un footballeur est un homme"
Donc j’étais dans cet état d’esprit. Jusqu’à l’année dernière, où j’ai très peu joué. C’était le moment de voir autre chose.
Le club de Minnesota United me suivait depuis trois saisons et était venu me voir jouer au Roazhon Park. En janvier, il était revenu à la charge, constatant que je jouais peu. Nice, un peu avant, s’était intéressé à mon cas. D’autres clubs français. Puis Minnesota, une nouvelle fois, en mars. Le mercato fermait assez tôt chez eux et ils devaient être fixés. Ça s’est accéléré ensuite. C’est un peu une phrase toute faite, vous me direz. Je vais essayer de vous raconter l’heure du choix.
Je me suis posé plein de questions. Un footballeur est un homme, on l’oublie souvent. Les États-Unis, est-ce que ce serait un bon choix pour ma carrière ? Et pour ma vie de tous les jours, sachant que j’accorde beaucoup d’importance à mon équilibre personnel ? Et ma famille ? Et mes amis rennais, nombreux, si importants à mes yeux ? Je me suis ouvert à eux, même si je savais que la décision finale me reviendrait de toute façon. Il y avait bien sûr Bourige (Benjamin Bourigeaud), mais aussi mes amis qui ne sont pas dans le milieu du football, une majorité d’entre eux. Jérémy, Hugo, Pierre-Marie, Théo. Et puis ma mère, mon père, et beaucoup ma sœur aînée, Marie, parce que j’allais souvent les voir à Nice ou ailleurs dès qu’on pouvait profiter de trêves où de temps de repos dans le calendrier. Ils sont un peu partout en France. Ils sont de réels piliers dans ma vie.
Voilà. Je leur disais, je me disais : "Est-ce que je reste en France pour continuer ma progression ? Est-ce que je pars ? J’ai déjà 27 ans, ça passe vite une carrière. Il faut optimiser ces années-là. Je me vois encore débarquer au centre de formation du Stade Rennais en 2010 ou signer mon premier contrat pro. Le foot, c’est ma passion, je ferai tout pour ce jeu jusqu’à la dernière seconde de ma carrière, mais j’accorde aussi de l’importance à l’à-côté. Je suis très famille, très "amis". À Rennes, j’avais sans cesse l’habitude de me retrouver avec du monde, tous les jours. Voilà. Est-ce que je serai capable de partir seul ?"
J’ai essayé de ne pas me laisser emporter par les émotions. J’ai pris du recul, assez vite, de la distance pour prendre la meilleure décision.
Pour la famille, les potes, ça penchait pour l’aventure aux États-Unis, malgré la tristesse de se dire qu’on ratera des moments ensemble à court ou moyen terme. La vie, c’est des concessions. Encore que, c’est sans doute un mot trop fort parce que je partais pour vivre de ma passion, une expérience sportive et d’homme, pour apprendre l’anglais, qui me sera utile dans mon après carrière, pour découvrir, pour me cultiver. Peut-on dans ce cas parler de concessions ?
"Je crois que c’est le projet sportif, comme toujours, qui fait pencher la balance"
Le projet sportif de Minnesota m’avait séduit, au fond. Et j’avais senti un réel intérêt de la part des dirigeants et du coach de me faire venir. Je crois que c’est le projet sportif, comme toujours, qui fait pencher la balance. J’ai appelé mon agent et je lui ai dit "On y va".
Les trois semaines qui ont suivi, durant lesquelles j’ai attendu mon visa, ont été particulières. On était en plein Covid, ce qui m’empêchait de dire au revoir comme il se doit aux supporters rennais. Je devais couper mais aussi me préparer mentalement car j’allais enchaîner une deuxième saison, sans réelles vacances. Pas mal d’émotions se bousculaient : de l’envie, de l’impatience, de l’appréhension un peu, celle de changer de contexte, de pays, de culture, de langue, le petit spleen de quitter tout le monde évidemment. Et la solitude, un truc que je déteste, mais qui reste somme toute relative dans le football parce qu’on est tout de suite mis dans le bain, qu’on rencontre rapidement plein de coéquipiers et de gens. Il y avait le déménagement à anticiper. La paperasse, les résiliations. J’ai eu la chance d’être bien accompagné, et de mentalement avoir pu me décharger de cette partie.
Alors j’ai fait une grande tournée, auprès de mes proches, de ma famille, entre Rennes, Nice et Paris. Dans le même temps, je suivais un programme de préparation physique que je recevais du staff de Minnesota United, in english. La saison avait commencé là-bas, il fallait être prêt de suite.
Est arrivé le "vrai" voyage, le train au départ de Rennes pour Paris, puis l’avion. Marine (Capon, la femme de Benjamin Bourigeaud) montait elle aussi sur Paris pour des rendez-vous. Elle m’a accompagné dans le train ainsi que mon meilleur ami, Jérémy. La veille au soir, par chance, Romain Salin avait organisé un dîner chez lui avec tout le monde. C’était une belle soirée, forte en émotions parce qu’on savait qu’il allait y avoir d’autres départs que le mien. Ça clôturait bien l’aventure avec les gars.
En se quittant, je crois que je ne me rendais pas trop compte des choses. Assis dans l’avion, j’ai posté une petite photo sur Instagram. J’ai reçu une avalanche de messages de la communauté rennaise. Ça m’a beaucoup touché. Les derniers questionnements se sont invités, un peu par surprise, c’est humain. Mais non, j’étais bien arrivé au bout de l’aventure à Rennes, il fallait partir. Les États-Unis étaient devant moi, de l’autre côté de l’Atlantique. Et je me disais : "Vis cette expérience à fond". Je le prenais vraiment comme une expérience de vie.