Les eurodéputés demandent, dans un rapport adopté ce mercredi 19 mai, que les contenus diffusant des matchs en direct sur Internet de manière illégale soient bloqués en moins de 30 minutes. Selon l’élu français Geoffroy Didier, cela représente 500 millions d’euros par an de perte pour les clubs de football en France.
Les retransmissions illégales sur Internet d’événements sportifs doivent être retirées dans un délai de 30 minutes, selon un vote des eurodéputés mercredi 19 mai 2021. Le Parlement européen demande à la Commission d’agir en la matière, le phénomène étant croissant, avec un système européen établissant des critères communs pour les « signaleurs de confiance » certifiés.
Car les événements sportifs ne sont actuellement pas protégés par les règles européennes relatives aux droits de propriété intellectuelle, ce qui crée un vide juridique. Selon les eurodéputés, la responsabilité des diffusions illégales devrait incomber aux fournisseurs de flux sportifs et non aux fans ou aux consommateurs, précisent les députés.
Geoffroy Didier, eurodéputé Les Républicains, est le rapporteur de ce texte pour le groupe du PPE (droite). Il explique à Ouest-France les enjeux derrière la diffusion illégale des matchs sur Internet.
Vous souhaitez imposer que les contenus qui diffusent les matchs de foot illégalement en streaming soient bloqués rapidement…
Oui, en 30 minutes maximum et c’est possible de le faire. Si vous êtes bloqué dans la possibilité de voir le match piraté en moins de 30 minutes, a priori, on considère que c’est dissuasif et que ça donnera plutôt envie de s’abonner légalement pour voir le match. Il faut mettre en place des délais qui soient dissuasifs.
Notre idée n’est pas de nous attaquer aux passionnés du sport, loin de là. Nous voulons protéger l’économie du sport tout en préservant la passion que le sport suscite. Notre but n’est pas de tout interdire, mais de dissuader les sites pirates et d’amoindrir leurs profits.
Avez-vous des chiffres sur ce que représente cette forme de piratage ?
On considère que rien que pour le foot français, ce sont 500 millions d’euros de pertes par an. On estime que les sites de piratage de manifestations sportives en Europe représentaient 362 millions de visites pour le seul mois de janvier 2019.
Cela va être difficile de lutter contre un phénomène qui a pris de telles proportions…
Le monde d’Internet, ce n’est pas le Far-West. Quand je vais voir un match de foot dans un stade, j’achète mon billet. Si je n’ai pas acheté mon billet, je ne rentre pas. Je ne vois pas pourquoi, sous prétexte que c’est Internet, on devrait pouvoir regarder le match sans avoir payé alors qu’à côté, il y a des gens qui payent. On veut rétablir un principe simple : tout ce qui est illégal hors ligne, doit le devenir en ligne.
Des fédérations sportives me disent qu’il y a des matchs qui sont plus vus piratés que vus légalement…
Pourquoi dîtes-vous que vous voulez protéger « l’économie du sport » plus particulièrement ?
Malheureusement, le piratage entrave aussi les finances des petits clubs : ce sont les droits de diffusion sur Internet qui financent les filières sportives et ce sont ces fédérations qui financent les petits clubs derrière. On est en train de tuer par ricochet, avec ce manque à gagner énorme, les petits clubs du sport amateur.
L’offre de diffusion sur Internet est multiple et souvent très chère à l’année. N’est-ce pas aussi une des causes du piratage ?
Il n’y a jamais de solution magique mais laisser faire n’est assurément pas la bonne piste. Oui, certains ayants droit, qui sont propriétaires de droits de diffusion, abusent un peu avec les prix de leurs abonnements. J’ai échangé avec beaucoup de gens qui adorent le sport. Or, ils se plaignent, à juste titre, qu’il faille aujourd’hui s’abonner à trop de chaînes et que ça coûte trop cher pour pouvoir suivre leur passion.
La seule manière de contraindre les ayants droit à proposer des prix plus démocratiques, c’est aussi de protéger l’état du sport qu’ils incarnent, ce qui nous permettra ensuite de demander une contrepartie… Par exemple, je souhaite que certains droits de diffusion soient accessibles sur des chaînes publiques et pas seulement sur les chaînes privées.