Promu en juin 2021 "area manager France", Ronan Caroff (22 ans) coordonne l’activité du site Internet allemand Transfermarkt, spécialisé dans les statistiques et le calcul des valeurs marchandes des joueurs, en France. Ouest-France et Prolongation ont passé une journée avec lui dans le petit pavillon de ses parents à Orgères, près de Rennes, où il télétravaille depuis sa chambre du lundi au vendredi.
Un beau jour d’été, alors que Ronan Caroff est confortablement installé en terrasse sous le soleil de Barcelone, l’écran de son téléphone s’allume. « C’était écrit : “Clément Grenier veut vous envoyer un message” », rembobine-t-il en souriant. Un frisson parcourt la nuque de celui qui n’est alors que tout juste sorti de l’adolescence. Pourquoi un ancien international français, passé avec succès par l’OL, l’AS Rome et le Stade Rennais, entre autres, souhaiterait-il prendre contact avec lui ? « Il avait un souci sur son profil Transfermarkt, explique-t-il. Sur le site, on liste les agences qui représentent les joueurs. Il y avait une erreur sur le sien. On a rapidement corrigé ça et tout est rentré dans l’ordre. »
Un exemple parfait pour illustrer le rôle du Rennais (22 ans) pour le site allemand, spécialisé dans les data de matches et le calcul de valeurs marchandes des footballeurs. « Un rôle assez large, analyse-t-il. Je m’assure que les données de matches et de joueurs sont bien à jour. Je gère une partie des stratégies de contenu. Il y a aussi un peu de relationnel avec les joueurs, les clubs et les agents. » Il travaille en collaboration avec Joachim Durand, un collègue français établi en Belgique, et quelques bénévoles.
Un jour, il faudra que je laisse tranquille mes parents
Pour rencontrer Ronan Caroff, il faut se rendre à Orgères (Ille-et-Vilaine), un petit patelin de tout juste 4 000 âmes, au sud de Rennes. À quelques pas du collège André-Récipon se trouvent une poignée de petites maisons mitoyennes. C’est là qu’il habite. Ou plutôt que ses parents et sa sœur vivent avec lui. « Un jour, il faudra quand même que je m’en aille, que je les laisse tranquille », glisse-t-il dans un sourire. À l’étage, sa chambre fait office de bureau de travail. C’est là, entouré de quelques affiches de concerts et d’expositions, qu’il branche son ordinateur, du lundi au vendredi, pour une quarantaine d’heures hebdomadaire.
Derrière sa longue tignasse, sa barbe épaisse et ses lunettes, Ronan Caroff est un garçon discret. Qui pèse ses mots, mais les choisit avec soin. Son premier souvenir ayant trait au football remonte à la Coupe du monde 2006. « Un souvenir douloureux », qui ne l’a pas empêché de développer sa passion pour le football. Longtemps, il s’est vu photographe sportif, au plus près des pelouses professionnelles. Au Roazhon Park, peut-être, lui qui supporte le Stade Rennais depuis l’enfance.
Si tu fais ça, je t’offrirai une place de match
« La première fois que je suis allé sur Transfermarkt, je cherchais un outil capable de répertorier le nombre de matches que j’ai vus dans ma vie, se souvient celui qui a un temps été à temps partiel, avant d’occuper le poste qui est aujourd’hui le sien. Ça m’a donné envie de creuser un peu sur le site et je me suis rendu compte que le National n’était pas très bien suivi. J’ai commencé comme ça, en tant que bénévole. »
« C’est toujours une bonne opportunité pour nous de recruter des personnes de la communauté, se réjouit Christian Schwarz, chef de l’international du site. Il connaissait mieux que personne le fonctionnement du domaine en France. Il sait comment gérer le quotidien. On s’est dit que c’était le bon candidat pour ce poste. »
Au gré de son activité, il tombe sous le charme d’un certain nombre de joueurs, comme l’attaquant Fahd El Khoumisti, qui évolue à Concarneau. Pourtant, Ronan Caroff n’est pas un « boulimique » de football, comme son job pourrait le laisser penser. Il ne regarde pas plus de trois matches par week-end, « en fonction des affiches », mais ne manque jamais celui du Stade Rennais.
Transfermarkt recense actuellement plus d’un million de profils de joueurs dans la majorité des pays du globe, des professionnels aux amateurs, pour environ 100 000 clubs. Plus de 100 000 membres de staff sont également enregistrés, de même que 60 000 arbitres et 9 000 pages de cabinets d’agence. En moyenne, le domaine français du site recense entre 70 et 100 000 visites quotidiennes, en fonction de l’actualité footballistique. En clair, c’est une grosse machine qui fait partie intégrante du monde du football, et suscite parfois des intérêts mal placés.
Parfois, on le contacte. Les agents de Martin Terrier (Rennes) et de Matheus Tete (Leicester) lui ont déjà écrit, mécontents de la valeur marchande de leur protégé sur le site. Les dirigeants du Stade de Reims, alors en pourparlers pour le transfert d’Hugo Ekitike au PSG, avaient fait la même chose. « Ça arrive qu’on me dise : “Si tu fais cette correction, je t’offrirai une place de match”. Mais s’il y avait une erreur, je la corrige et je fais mon travail, et je ne mérite pas de récompense pour ça. Sinon, ce serait mettre la main dans l’engrenage. Le mot passerait que le mec de Transfermarkt est facilement corruptible. »
Et voici comment en quelques mois de travail, cet ancien étudiant de l’Université Rennes-2, diplômé d’une licence en sciences de l’information et de la communication, a fait son nid dans l’univers du football. À une place qui lui convient, assez près pour côtoyer (un peu) les décideurs, mais assez loin pour ne pas être « dans le cœur du réacteur » des négociations. La sienne, qu’il n’a pas prévu de quitter pour le moment.
Mathéo GIRARD. Ouest-France