Interdictions de stade, interdictions de déplacement, usage des fumigènes… Un rapport parlementaire, dont Ouest-France a eu accès, constate "l’échec du tout répressif" dans la gestion des supporters de football en France. Ces préconisations seront examinées aujourd’hui.
Ce rapport était attendu et ses conclusions sont sans appel. Après plusieurs mois de travail, la mission d’information parlementaire sur «?les interdictions de stade et le supportérisme?» pointe "l’échec du tout répressif", qui fut "la seule doctrine des années 2000". "Certaines mesures ont été adoptées par pure idéologie", écrivent les députés Marie-Gorges Buffet et Sacha Houlié, qui présenteront, ce mercredi, leurs résultats devant la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Sans idéaliser les tribunes, "miroir de la société", les rapporteurs estiment que l’arsenal juridique a fait des supporters des "citoyens de seconde zone, confrontés à des lois d’exception." Ils émettent aussi une série de propositions afin de pacifier les tribunes, offrant une reconnaissance officielle au supportérisme français.
1. Les Interdictions administratives de stade (IAS)
Créées en 2006, ces sanctions, "sans équivalent en droit français", ne devaient pas excéder trois mois et voulaient "agir préventivement". Les rapporteurs ont constaté "un durcissement continuel" dans le droit du sport, marqué par une durée pouvant être multipliée jusqu’à douze?!
Dans "30 à 46?% des cas", ces interdictions administratives de stade reposent sur l’usage de fumigènes. Elles recueillent un taux d’annulation par le juge administratif élevé "de l’ordre de 75?%". "Cela crée des frustrations et du ressentiment à l’égard de l’État, voire un sentiment d’injustice."
Le rapport, auquel Ouest-France a eu accès, préconise de "resacriliser les IAS pour qu’elles redeviennent incontestables". Il propose de réduire la durée maximale à 6 mois, et à 12 en cas de récidive et des aménagements dans les pointages, qui accompagnent à 90?% les sanctions et "pèsent lourdement sur la vie professionnelle et familiale". Il envisage aussi "la suppression de la notion de comportement d’ensemble". Autre avancée?: la fin de la notion de présomption d’urgence en cas de référé-liberté, afin de faciliter la contestation de la mesure administrative.
2. Les interdictions de déplacement
Le constat est accablant. Sur 226 rencontres de Ligue, le nombre de rencontres de niveau 3, établissant un risque de troubles à l’ordre public, a été multiplié par trois en deux ans. Avec une mobilisation croissante des moyens de sécurité. On compte désormais un stadier pour 39 supporters. Et chaque saison, ce sont entre 30 et 40 000 agents mobilisés par l’État pour assurer le maintien de l’ordre. Pour un coût partagé, non négligeable pour les clubs?: à titre d’exemple, le PSG a dépensé plus de 2,2 millions d’euros la saison dernière.
Le rapport reconnaît, qu’entre "l’ordre public et les libertés fondamentales, l’équilibre est rompu". Il s’appuie pour cela sur la multiplication par trois des arrêtés d’interdiction de déplacement, pas forcément justifiés. "Les préfectures sont trop souvent livrées à leur propre appréciation de sorte que, par précaution, elles utilisent ces mesures pour leur permettre de préserver des effectifs de police", note le rapport.
Le rapport invite à changer de doctrine et à "permettre par principe les déplacements." "Il est nécessaire que tous les moyens soient mis en œuvre pour les permettre", affirment Marie-Georges Buffet et Sacha Houlié. Ils recommandent pour cela "d’associer plus en amont les parties prenantes" et de favoriser le rôle de la DNHL (Division nationale de lutte contre le hooliganisme) auprès des préfectures. Pour renforcer son autorité, le rapport invite à nommer un préfet.
3. Les fumigènes
Le rapport va faire bondir Noël Le Graët, mais il ouvre pourtant à une loi de légalisation de la pyrotechnie. Il dénonce même "l’hypocrisie de l’interdiction des fumigènes et l’inefficacité des sanctions collectives", "qui posent un grave problème juridique". En même temps qu’elles ont nourri une escalade cette saison.
Aucun des clubs rencontrés n’ayant recensé de blessures, les rapporteurs préconisent de parvenir "à un usage encadré". Ils défendent l’idée d’une "zone dédiée en tribune" et la poursuite des expérimentations sur les engins dits froids. Le rapport ne délivre toutefois pas de chèque en blanc et défend une régularisation des ultras, en les poussant à s’organiser en association de loi 1901, ce qui a souvent provoqué de vives résistances. "Le droit d’utiliser des fumigènes leur confère, en contrepartie, l’obligation d’en assumer la responsabilité."