Nicolas Holveck est décédé à l’âge de 52 ans, après un combat admirable et admiré contre un cancer diagnostiqué en mars 2021. Le dirigeant aura laissé de bons souvenirs partout où il est passé, de Nancy, où il était revenu comme président l’été dernier, à Monaco et Rennes.
Nicolas Holveck, la classe dirigeante
L’été dernier, Nicolas Holveck était revenu chez lui, à l’AS Nancy Lorraine, là où tout avait commencé, dans le costume de président et avec la volonté d’aider ce monument du football français à ne pas sombrer. C’était une chance énorme pour une équipe de National 1, accessoirement son club de cœur, qu’il avait quitté dix ans plus tôt en versant quelques larmes, paraît-il, après plus de quinze années passées aux côtés de Jacques Rousselot. C’était aussi une chance énorme, pour lui, de pouvoir revenir aux sources et se remettre au travail, tout en poursuivant sa lutte contre un foutu cancer du côlon diagnostiqué en mars 2021.
« Si vous me voyez à Nancy, c’est que ça ne va pas super bien, sinon je serais toujours à mon poste de président à Rennes », avait-il confié en décembre dernier dans un long entretien accordé au JDD. Le mois suivant, il avait livré dans un sourire son rêve le plus fou à L’Est républicain, en quatre mots : « Guérir de ma maladie. » Ce lundi matin, jour d’un match important à Sochaux qui devient bien anecdotique, l’ASNL a annoncé le décès de Nicolas Holveck à l’âge de 52 ans, lui qui s’était mis en retrait de son rôle de dirigeant le 20 mars dernier. La semaine a donc commencé par une pluie d’hommages venus de Nancy, Monaco, Rennes, et de partout ailleurs (et en particulier de chez le rival messin), pour rappeler que le foot français avait perdu un grand dirigeant et surtout un grand homme.
Une relation père fils avec Jacques Rousselot
Dans le milieu du foot où les coups bas et l’hypocrisie sont la norme, il était difficile voire impossible de trouver des ennemis à Holveck. Il inspirait le respect, parce qu’il était simple et droit ; l’admiration parce qu’il était brillant. Il avait obtenu une maîtrise en finances à l’université de sciences économiques de Nancy, avant de poser ses valises à l’ESC Marseille pour décrocher un master en management du sport. Holveck en avait dans la tête et dans les muscles : cet amoureux des Vosges, né à Épinal au début des années 1970, est arrivé au sport par le ski et le triathlon, deux domaines dans lesquels on le disait redoutable. Il avait aussi sa licence de footballeur à l’ASPTT Nancy, et c’est dans la cité ducale, évidemment, qu’il a fini par lancer sa carrière dans le sport roi.
Il n’était pas question de chausser les crampons, mais d’apprendre dans les bureaux, où il est arrivé comme simple stagiaire en 1997. Pablo Correa était revenu sur cette découverte il y a quelques années pour So Foot, décrivant « un garçon à l’écoute, très dynamique, plein d’énergie et très observateur. Ce n’était pas comme moi, il ne venait pas du foot. C’était le plus jeune du trio, mais il apportait sa vision. » L’autre membre de ce triumvirat nancéien, Jacques Rousselot, aura été déterminant dans l’évolution de Holveck, qui parlait d’une relation père fils entre les deux hommes. L’emblématique patron de l’ASNL l’a installé comme vice-président dès 2008, lui laissant un peu plus de responsabilités au fil du temps. Un jour, à Marseille, il s’est même assis sur le banc pour gérer les changements, Correa étant suspendu et son adjoint Paul Fischer absent. Il a en quelque sorte tout fait à Nancy, où il a vécu le sacre en Coupe de la Ligue (2006) et deux campagnes en Coupe UEFA (2006 et 2008).
Des échelons et un combat
Il avait quitté le nid après une 4e place en Ligue 2, non sans émotion, en répondant à l’appel de l’AS Monaco en 2014. Sur la Côte d’Azur, il a séduit comme il l’avait fait à Nancy, gagnant en compétences au fil des saisons sous l’impulsion de Vadim Vasilyev, dont il était très proche. À ses côtés, il a vécu le titre de champion de France 2017, les épopées européennes et l’éclosion de Kylian Mbappé, participant aux négociations autour du premier contrat professionnel de l’actuel capitaine des Bleus. L’arrivée d’Oleg Petrov en février 2019 aura été un tournant pour Holveck, dont le destin logique était désormais de se retrouver à la présidence d’un club. Il l’a accompli en accédant à la présidence exécutive du Stade rennais en mars 2020, en même temps que la pandémie de Covid-19 a provoqué la mise sur pause du football français. En Bretagne comme partout où il est passé, il a laissé le souvenir d’un dirigeant très compétent et d’un homme apprécié.
Fin août, les actionnaires de Nancy m’ont appelé, et j’en avais assez de rester à la maison à ne rien faire.
Nicolas Holveck au JDD en décembre 2023
Il avait aussi été marqué par sa rencontre avec la famille Pinault. C’est le père, François, qui l’avait conduit vers le professeur Khayat, oncologue français reconnu, pour l’accompagner dans son combat contre le cancer du côlon, qu’on lui avait présenté comme opérable, avant qu’il ne se développe sur les poumons. « La perspective, dans ce type de maladie, c’est le prochain scanner, disait-il au JDD. Tous les trimestres, je passe un examen vital, qui peut tout changer. » Sa force et sa dignité dans ce combat laissaient ses interlocuteurs admiratifs, parfois bluffés. Il avait été hospitalisé une première fois à l’hiver 2021 après des maux de ventre très douloureux, le même week-end que la démission de Julien Stéphan. Il n’avait pas voulu cacher sa maladie ni abandonner ses fonctions : il avait besoin de ça pour ne pas lâcher prise, comme il avait besoin d’avaler des milliers de kilomètres de vélo chaque année pour se sentir vivant.
Il avait été remplacé en mai 2022 par Olivier Cloarec, qu’il connaissait depuis 1999, tout en restant dans l’organigramme, jusqu’à son départ officiel le 31 août dernier. « Fin août, les actionnaires de Nancy m’ont appelé, et j’en avais assez de rester à la maison à ne rien faire. Cela faisait deux ans que je n’étais plus en charge opérationnelle, j’avais envie de travailler. Rennes, c’était hélas devenu impossible, je n’en ai pas la force aujourd’hui, mais un club comme Nancy en National, c’était jouable, racontait-il. Je connais l’environnement, j’ai de la famille ici, toutes les conditions étaient réunies. Et puis il y avait ce côté sentimental, forcément. Mes enfants m’ont tout de suite dit : “Papa, fonce.” En dix jours, j’ai pris ma décision. » Il avait fait revenir Pablo Correa en novembre, comme au bon vieux temps, et Nancy s’était remis à gagner et à rêver d’un retour en deuxième division. Ce ne sera pas cette année, peut-être la prochaine, mais aujourd’hui, ce n’était pas le plus important.